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Le billet d'humeur de décembre

Quand j'étais petite fille, une bonne fée alsacienne s'est penchée sur ma gourmandise pour m'offrir mon premier calendrier de l'Avent. Plus encore que le chocolat qui avait tous les jours le même goût, ce qui m’enthousiasmait c’était le savoureux parfum de mystère. Repérer la fenêtre du jour, l'ouvrir, découvrir la surprise: lune, étoile, sapin, ange ou sucre d'orge. Parfois, le chocolat prenait une forme difficilement reconnaissable. Il me fallait alors faire preuve d'imagination: et si c’était… un avion? un oiseau? un boomerang? Parfois même, la case était vide! Le chocolat avait glissé, il fallait aller à sa recherche, ou accepter de s’en passer ce matin-là pour le retrouver, coincé quelque-part un jour prochain. J’apprenais, l’air de rien, la patience, et je cultivais mon imaginaire.

©Isabelle Bouchex
©Isabelle Bouchex


Cette année, l'Avent sonne comme un décompte avant déconfinement, voire même comme un élément du compte à rebours général avant la fin d’un monde. Pour certain.e.s, il est relié à  une foi, un cheminement spirituel, pour d’autres à la préparation d’un Noël circonstancié, masqué distancié, mais en famille. Dans le même temps, pour beaucoup, il sera synonyme de solitude, de pauvreté, de tristes perspectives. Comment l’oublier? Est-il possible, dès lors, de concilier espérance, colère légitime,  solitude forcée et besoin essentiel de lien?

 

Tandis que certain.e.s manifestent, que d’autres font la grève de la faim, et que beaucoup construisent des solutions collectives, je me sens bien dérisoire, seule derrière mon écran, à tenter de mettre en forme des pensées, des prières, des mots fragiles. Pourtant je reste convaincue d’une chose: il nous faut entretenir précieusement notre capacité d'imagination.

 

Comme le dit Rob Hopkins, militant à l'origine du mouvement des Villes en Transition, auteur et conférencier dont j'apprécie l'optimisme et l'humour tout britannique, pourrions-nous commencer par "écrire un poème d'amour à ces deux mots : Et si?"

Et si en écrivant ici pour moi-même, j’allais jusqu’à vous que je ne connais pas? Et si mes mots pouvaient vous offrir un instant de pause, de réflexion, d'émotion peut-être? Et si vous découvriez Rob Hopkins? Et si son énergie, et celle de tous les individus et collectifs qu’il a rencontrés pouvait vous nourrir? (Je vous invite à le lire ou à l’écouter : conférence / courte présentation et pour les anglophones : podcasts)
Il y parle de la force du jeu et des histoires, et de la nécessité, pour toute action, sociale, économique, politique, de commencer par l’imagination. Bâtir sur la créativité et non sur la peur. Vaste programme. Je veux commencer par là, à mon petit niveau. Aujourd’hui que nous sommes empêché.e.s de lien, enfermé.e.s dans les seuls visio-contacts, qui ne sont jamais qu'un pis-aller, je me trouve sans travail. Chanter collectivement en visio, impossible, faire un spectacle de contes sans être en présence, par nature antinomique. Quant à accompagner virtuellement les personnes qui sont venues à moi pour découvrir leur voix dans ce qu’elle a de plus charnel, je ne sais pas faire. Alors que faire? Il me reste les mots, l’imaginaire, les images. Une personne chère à mon cœur m’a écrit un jour que par mes mots, par mon regard, j’étais comme une porteuse d’eau.

©Isabelle Bouchex
©Isabelle Bouchex


Alors aujourd’hui, pour me préparer à Noël autrement qu’en installant des guirlandes de papier sur mon sapin de carton, toute seule dans mon coin, je vous apporte mes mots, mon regard.  


Dès demain et jusqu’à Noël, je bâtirai ici mon calendrier de l’Avent.

Il n’y aura ni chocolat, ni même fenêtre pré-découpée. A la place, via l’écran, des mots et des images à vous partager. Contes, photos, haïkus, chansons, poésies… et comme dans mon enfance, certains jours la case sera peut-être vide. Elle sera page blanche, silence, du temps pour imaginer.

 

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Commentaires: 4
  • #1

    Claire Desmartin (mardi, 01 décembre 2020 16:30)

    Que c’est bon de te lire chère Isabelle , c’est une vraie guirlande de lucioles que tu allumes dans la grisaille de ces jours . Merci
    Je t’embrasse de tout cœur
    Claire

  • #2

    Michèle Eliat (mardi, 01 décembre 2020 19:28)

    Merci à toi, chère Isabelle , pour tes mots, pour la finesse de ta réflexion.
    J’attends avec impatience et bonheur les surprises que tu nous concoctes.
    A très vite.

  • #3

    Christelle (mardi, 01 décembre 2020 20:30)

    Oh mais quelle belle idée ! Ce mois de décembre prend soudain un autre éclairage. Miam Miam Miam je vais me régaler le coeur.

  • #4

    Steph (mercredi, 02 décembre 2020 07:07)

    Comme un oiseau qui pépie et gravit les branches de son arbre ces billets de l'avant viennent enchanter l'aube toute frêle de ces matins!! Merci ma belle Isa ��❤